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la mort aux traîtres des deux sexes et de tous âges. Mais sa dé-
nonciation fut accueillie par un si profond mutisme que sa pro-
pre conviction en fut ébranlée. Ces paroles avaient sombré dans
un abîme de silence et ce qu on entendit ensuite fut Peyrol par-
lant à Réal :
« Je crois, lieutenant, que vous allez être trempé, avant
longtemps » ; puis, tout en regardant Réal, Peyrol se dit avec
une profonde conviction : « Trempé ! ça lui serait égal même
d être noyé. »
Si impassible qu il parût, Peyrol n en était pas moins fort
agité intérieurement, il se demandait avec fureur où le navire
anglais pouvait se trouver précisément à ce moment et où diable
était parvenu cet orage : car le ciel était devenu aussi muet que
la terre accablée.
« N est-ce pas le moment de nous déhaler116, canonnier ? »
demanda Réal. Et Peyrol répondit :
116
Déhaler, c est haler en dehors (généralement, tirer d une posi-
tion fâcheuse). Se déhaler, c est se sortir d une situation d immobilité,
telle qu un échouement.
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« Il n y a pas un souffle d air, nulle part, à des lieues d ici. »
Il eut le plaisir d entendre un grondement assez fort qui roulait
apparemment le long des collines, à l intérieur des terres. Au-
dessus du bassin, un petit nuage déchiqueté, attaché à la robe
pourpre de l orage, flottait immobile, mince comme un morceau
de gaze sombre.
Là-haut, à la ferme, Catherine, elle aussi, avait entendu ce
grondement inquiétant et elle était allée à la porte de la salle.
Elle avait pu, de là, voir le nuage violet lui-même, contourné et
massif, et l ombre sinistre qu il projetait sur les collines. L arri-
vée de l orage ajoutait encore au sentiment d inquiétude qu elle
éprouvait à se sentir ainsi toute seule à la maison. Michel n était
pas remonté. Bien qu elle ne lui adressât presque jamais la pa-
role, elle aurait vu Michel avec plaisir, simplement parce que
c était une personne qui faisait partie de l ordre habituel des
choses. Elle n était pas bavarde, mais elle aurait aimé trouver
quelqu un à qui parler, ne fût-ce qu un moment. L interruption
de tous les bruits, voix ou pas, aux abords de la ferme, ne lui
était pas agréable ; mais à voir le nuage, elle pensa qu avant peu
il y aurait suffisamment de bruit. Au moment toutefois où elle
rentrait dans la cuisine, elle entendit un son dont le caractère
perçant et terrifiant à la fois lui fit regretter cet accablant si-
lence ; c était un cri déchirant qui venait de la partie supérieure
de la maison où, à sa connaissance, il n y avait qu Arlette en-
dormie. Comme elle s efforçait de traverser la cuisine pour se
diriger vers le pied de l escalier, la vieille femme eut l impres-
sion d être tout à coup accablée par le poids des années accumu-
lées. Elle se sentit soudain extrêmement faible et presque inca-
pable de respirer. Et il lui vint tout à coup cette pensée : « Sce-
vola ! Est-ce qu il l assassine là-haut ? » Le peu qui lui restait de
force physique en fut paralysé. Que pouvait-ce être d autre ?
Elle tomba, comme abattue par un coup de feu, sur une chaise,
et se trouva incapable de faire un mouvement. Seul son cerveau
continuait à agir ; elle porta les mains à ses yeux comme pour
repousser la vision des horreurs qui s accomplissaient là-haut.
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Elle n entendait plus aucun bruit venant de l étage. Arlette de-
vait être morte. Elle pensait que maintenant c était son tour. Et
si son corps tremblait devant la violence brutale, son esprit ex-
ténué souhaitait ardemment la fin. Qu il vienne ! Que c en soit
fini de tout cela, qu elle soit assommée ou frappée d un coup de
poignard dans la poitrine. Elle n avait pas le courage de se dé-
couvrir les yeux. Elle attendit. Mais au bout d une minute, qui
lui parut interminable, elle entendit au-dessus de sa tête un
bruit de pas rapides. C était Arlette qui courait de-ci de-là. Ca-
therine retira ses mains de devant ses yeux et elle allait se lever,
quand elle entendit crier au haut de l escalier le nom de Peyrol,
avec un accent désespéré. Puis, presque aussitôt après, elle en-
tendit de nouveau ce cri de : « Peyrol, Peyrol ! », puis un bruit
de pas qui descendaient précipitamment l escalier. Elle entendit
encore le cri déchirant de : « Peyrol ! » de l autre côté de la porte
juste avant que celle-ci ne s ouvrît. Qui donc la poursuivait ?
Catherine parvint à se lever. Appuyée d une main à la table, elle
offrit un front intrépide à sa nièce qui se précipita dans la cui-
sine, les cheveux dénoués, et les yeux remplis d une expression
d extrême égarement.
La porte qui donnait sur l escalier s était refermée avec vio-
lence derrière elle. Personne ne la poursuivait et Catherine,
étendant son maigre bras bronzé, arrêta la fuite d Arlette au
passage. La secousse fut telle que les deux femmes en trébuchè-
rent l une contre l autre. Elle saisit sa nièce par les épaules.
« Qu y a-t-il ? Qu y a-t-il, au nom du Ciel ? Où cours-tu ain-
si ? » cria-t-elle. Et l autre, comme épuisée soudain, murmura :
« Je viens de m éveiller d un rêve affreux. »
Le nuage maintenant suspendu au-dessus de la maison
rendait la cuisine obscure. Un faible éclair passa, suivi d un petit
grondement au loin.
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La vieille femme secoua doucement sa nièce. « Les rêves ne
signifient rien, dit-elle, tu es éveillée maintenant& » Et, à vrai
dire, Catherine pensait qu il n y a pas de rêves aussi affreux que
les réalités qui prennent possession de vous pendant les longues
heures de veille.
« On le tuait », gémit Arlette qui se mit à trembler et à se
débattre dans les bras de sa tante. « Je te dis qu on le tuait.
 Reste tranquille. Tu rêvais de Peyrol ? », Elle se calma
immédiatement et murmura : « Non, d Eugène. »
Elle avait vu Réal attaqué par une bande d hommes et de
femmes tous dégouttant de sang, sous une lumière froide et li-
vide, devant une rangée de simples carcasses de maisons aux
murs fissurés et aux fenêtres brisées, au milieu d une forêt de
bras levés qui brandissaient des sabres, des massues, des cou-
teaux et des haches. Il y avait aussi un homme qui faisait des
moulinets avec un chiffon rouge au bout d un bâton, tandis
qu un autre battait du tambour, et ce son retentissait au-dessus
d un bruit effrayant de vitres brisées qui tombaient comme une
pluie sur le trottoir. Au tournant d une rue déserte, elle avait vu
Peyrol, reconnaissable à ses cheveux blancs, qui marchait d un
pas tranquille en balançant régulièrement son gourdin. Ce qu il
y avait d affreux, c est que Peyrol l avait regardée bien en face,
sans rien remarquer, calmement, sans même froncer les sour-
cils ni sourire, il était resté aveugle et sourd tandis qu elle agitait
les bras et qu elle criait désespérément pour qu il vînt à son se-
cours. Elle s était réveillée en sursaut, ayant encore le son per-
çant du nom de Peyrol dans les oreilles et conservant de ce rêve
une impression si forte, qu en regardant avec affolement le vi-
sage de sa tante, elle voyait encore les bras nus de cette foule de
meurtriers levés au-dessus de la tête de Réal qui s affaissait peu
à peu. Et pourtant le nom qui lui était venu aux lèvres en s éveil-
lant, c était celui de Peyrol. Elle s écarta de sa tante avec une [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]
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