[ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]heures à 8 heures du soir, tous les prisonniers anglais on se rappelle que les portes de toutes les cellules
étaient fermées dès 7 heures. Mes amis se réunirent donc à ma cellule et nous causâmes, pendant cette
dernière heure, des événements de la guerre et de la longueur probable de la détention de chacun. Malgré toute
la joie que j'éprouvais à sortir de cet enfer, j'avais le regret d'y laisser plusieurs de ceux avec qui j'avais
partagé les ennuis et les privations de la captivité, aux mains de leurs geôliers, privés de liberté, privés de
l'atmosphère bienfaisante de la patrie absente.
Le train devait partir à 9 heures, et le départ de la prison même était fixé à 8 heures. A ce moment donc, je me
séparai de ces braves garçons, à la porte même de la prison. Nous étions tous sous le coup d'une profonde
Chapitre XXVII. VERS LA LIBERTÉ 58
Mille et un jours en prison a Berlin
émotion.
Le train pour la Hollande partait de la gare dite de Silésie. De la prison à cette gare, j'étais accompagné par
trois militaires allemands: l'ordonnance, un sous-officier et l'officier qui devait m'accompagner jusqu'à la
frontière.
Arrivé à la gare, l'officier me fit part de son intention de réclamer des autorités la jouissance exclusive, par
nous, de tout un compartiment. Nous devions passer toute la nuit dans ce train. L'officier eut une entrevue
avec le chef de gare, et lorsque le train stoppa, un Monsieur en uniforme bleu, ce devait être ce chef de
gare, était à nos côtés et s'empressait de mettre à notre disposition un compartiment complet.
L'officier avait dû invoquer, pour obtenir ce privilège, une raison d'Etat: le transport d'un prisonnier de
nationalité anglaise en territoire allemand pouvait motiver cette mesure de précaution extraordinaire; les
conversations que ce prisonnier anglais entendrait sur le train seraient peut-être compromettantes, et de nature
à nuire aux intérêts allemands si elles étaient rapportées en Angleterre?... Quoi qu'il en soit des raisons
données par mon officier, le compartiment entier fut mis à notre disposition. Mais afin d'empêcher qu'il ne fut
assiégé par les autres passagers, on avait pris la précaution de placer, contre la vitre de la porte ouvrant sur le
couloir, un avis conçu en ces termes: Transport d'un prisonnier anglais, et sur une autre ligne, ce seul mot:
Gefarlich! dangereux! J'ai lu moi-même ce qui était ainsi affiché à mon sujet, et je n'ai pu m'empêcher d'en
sourire.
Un train qui quitte la gare de Silésie, en destination de la Hollande, doit traverser la ville de Berlin et passer en
face de la fameuse prison, la Stadvogtei. J'avais été mis au courant de ce fait, et lorsque le train, filant déjà à
une assez bonne vitesse, passa en face de la prison, j'étais à ma fenêtre pour laisser tomber un dernier regard
sur ces murs gris sombre qui m'avaient séparé, pendant 3 ans, du monde extérieur. Quelle ne fut pas ma
surprise d'apercevoir, au cinquième étage, dans une fenêtre que le nouveau sergent-major, entre parenthèse,
un homme convenable, avait permis d'ouvrir, mes compagnons de captivité agitant leurs mouchoirs en signe
d'adieu.
Pauvres malheureux, pensais-je!...
Le lendemain matin, à 8 heures, nous arrivions à Essen, la ville fameuse où se trouvent les usines Krupp.
Nous devions changer de train, à cet endroit, et il nous fallut marcher pendant quinze ou vingt minutes sur le
quai de la gare de cette immense ville. Puis nous prenions le train qui devait nous conduire à la frontière dans
le voisinage de laquelle nous arrivions vers midi.
Par suite d'une erreur commise par l'ordonnance dans leur enregistrement, mes bagages furent expédiés à une
station frontière beaucoup plus au nord que celle où nous nous rendions. On fit jouer le télégraphe, et l'officier
commandant le poste nous encouragea à prendre patience, nous donnant l'assurance que ces bagages seraient
de retour le lendemain. Il fallut donc nous résigner à passer la nuit dans ce village.
Ce fut un problème très sérieux que celui de me procurer, le midi et le soir, dans ce petit village allemand de
Goch, un repas à peu près convenable, sans être muni de la carte d'alimentation réglementaire. Mais quand on
respire l'air à pleins poumons, quand on jouit d'une liberté relative, et que l'heure de la délivrance approche, il
est assez facile d'imposer silence à son estomac. Le lendemain, vers midi, mes malles étant arrivées, nous
pouvions faire le court trajet supplémentaire de deux ou trois milles pour atteindre la petite station-frontière
où je devais subir une certaine inspection.
Ce jour-là, le dimanche 11 mai, j'étais le seul passager à destination de la Hollande. Un train minuscule,
composé d'une locomotive et d'un seul wagon, faisait la navette entre le village frontière d'Allemagne et le
village frontière de Hollande.
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Mille et un jours en prison a Berlin
Toutes mes malles, valises, colis, etc., etc., étaient prêts pour l'inspection, régulièrement alignés dans la petite
gare de fortune construite à cet endroit.
On avait été averti, ou on avait deviné, que j'étais un prisonnier de nationalité anglaise oiseau rare en ces
parages, car tous les inspecteurs des deux sexes s'étaient donné rendez-vous autour de mes bagages, et de
ma personne. Il y avait des dames: d'ordinaire, on utilise leurs services discrets pour faire les perquisitions
chez les passagers du sexe. Elles semblaient n'être venues là, avec les autres, que par simple curiosité, pour
orner la scène et égayer l'entrevue.
L'inspection est minutieuse, et je dois le dire, n'est pas faite intelligemment. Le sous-officier qui était chargé
spécialement de faire l'inspection de mes bagages s'est révélé souverainement stupide. Dans l'une de mes
valises il remarqua un petit calepin couvert en cuir, et portant en petites lettres dorées, repoussées dans le cuir,
le mot: Tagebuch, qui veut dire simplement: Journal. Il le mit de côté, apparemment pour le confisquer. Je
protestai contre ce procédé, et je lui demandai pourquoi il voulait retenir ce petit cahier qui ne contenait, en
somme, rien d'écrit. Le sous-officier me répondit: C'est imprimé, et nous avons ordre de retenir tout ce qui
est écrit ou imprimé.
Quelle stupidité pensais-je en moi-même! Je lui fis remarquer qu'il n'y avait rien d'écrit, et que le seul
imprimé était le titre gravé sur la couverture. Mais cela ne parvint pas à convaincre ce sous-officier obtus qu'il
n'y avait aucun danger pour son empire à laisser passer ce mot allemand écrit en lettres dorées.
L'officier Block qui m'accompagnait, et me connaissait très bien, était manifestement ennuyé. Alors je
hasardai cette remarque:
Je regrette énormément ce procédé, car de la façon dont vous y allez, toutes mes chemises, tous mes
faux-cols, toutes mes manchettes seront retenus.
Il me regarda et ne parut pas comprendre.
Non, dit-il, non... pourquoi confisquerai-je ces articles?...
Mais, parce que des mots y sont imprimés: et ce qui plus est, ces mots imprimés sont des noms de firmes
anglaises ou américaines!
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